Saint-Denis, le 18 novembre 2025 – Le soleil frappe déjà la roche grise de la Rivière des Pluies quand l’équipe se retrouve au point de départ, à l’Ilet Quinquina. Devant eux : le lit de la Rivière des Pluies, une heure trente de marche dans un décor spectaculaire, et au bout du chemin, le chantier d’investigation du projet MEREN.

Ce 18 novembre, ils sont une dizaine à avoir enfilé leurs chaussures de marche : chargé d’opération de la Saphir, experts de Tractebel, Forintech, Ineris, Géofit Expert, Axians et chercheur de l’Université de La Réunion. Tous mobilisés autour d’un objectif commun : vérifier que l’étude préparatoire du projet MEREN Nord destiné à sécuriser l’approvisionnement en eau des micro-régions Est et Nord, avance comme prévu.

Un accès au chantier possible depuis le lit de La Rivière des Pluies

Les pieds dans la rivière, l’équipe progresse prudemment entre les rochers. Sur le sentier, quelques habitués du coin s’arrêtent, curieux. « C’est pour le projet d’eau, non ? » demande deux riveraines. Une discussion s’engage naturellement. Ces échanges impromptus, c’est l’ADN même du projet : un ancrage territorial fort en lien avec des habitants informés et impliqués.

Au loin, on aperçoit déjà la plateforme de travaux. À l’embouchure de la Galerie Salazie Amont, une petite station a été installée. Ici, une équipe se relaye 24h/24 pour surveiller le matériel et garantir l’alimentation en eau constante des machines de forage.

Rythmé par des rotations d’hélicoptères pour l’approvisionnement des vivres, du carburant, et l’évacuation du matériel, ce chantier ne connaît pas de répit.

Au cœur de la roche : quand la géologie livre ses secrets

Une fois sur place, l’ambiance devient studieuse en entrant à l’intérieur de la galerie Salazie Amont. Sous 700 mètres de massif, on perd rapidement le contact avec le reste du monde. Dans cette exiguïté plongée dans le noir complet, seuls les faisceaux des lampes frontales découpent l’obscurité. L’air est frais, l’atmosphère saturée d’humidité, et le silence n’existe pas : tout est couvert par le vacarme des machines et le ruissellement de l’eau. Ici, l’isolement est total et la notion du temps s’efface.

Chacun rejoint son poste sous la supervision de l’équipe du Maitre d’œuvre Tractebel, venue suivre les investigations depuis la métropole.

Cécile Lesage, Directrice de Forintech, explique la mission du jour avec un enthousiasme communicatif :

« On a déjà fait toute une série de forages sur le futur tracé de la galerie. Cette semaine, c’est le moment crucial : une équipe spécialisée de métropole est venue pour des mesures très pointues des contraintes du sol. »

Le processus est fascinant à observer. D’abord, un carottage de 38 millimètres de diamètre. Puis, on insère délicatement une sonde sur 60 centimètres de profondeur. Enfin, on creuse tout autour. Le but ? Mesurer comment la roche réagit, comment elle se libère de ses tensions internes.

« Il faut imaginer que nous allons creuser un tunnel, donc créer un vide. Le massif va réagir, forcément. Donc on doit savoir exactement quelles forces sont à l’œuvre là-dedans avant même de commencer les travaux. » reprend Cécile Lesage.

L’expert INERIS, penché sur son matériel, manipule une sonde avec une précision. « On mesure des déformations en nanomètres » précise-t-il en ajustant ses capteurs. « Ensuite, on convertit tout ça en pascals pour comprendre l’état de contrainte du massif rocheux. » Une expertise très pointue au service d’un projet colossal.

Une future galerie de 6 kilomètres sous la montagne

Car l’ambition est de taille : créer la Galerie Nord GANOR, un tunnel de transfert de 6 kilomètres qui viendra compléter l’infrastructure existante de l’Irrigation du Littoral Ouest. Plus précisément, c’est la galerie de transfert Salazie Amont qui servira d’artère principale pour acheminer et répartir l’eau que ce soit vers l’Ouest (ouvrage ILO) comme vers le Nord et l’Est de l’île (Porjet MEREN). Connaître avec précision la nature des terrains est la clé pour choisir la bonne technique de réalisation. Chaque donnée compte et vient alimenter les études de conception en cours.

La science au service de l’eau

Non loin, les équipes de Géofit Expert s’affairent avec leurs instruments topographiques. Ils observent minutieusement l’intérieur de la galerie existante pour comprendre le contexte et pouvoir la représenter virtuellement le plus finement possible à l’aide de plans et de coupes de haute résolution. Pas question de laisser place à l’approximation.

Pendant ce temps, Éric Delcher, responsable du Laboratoire GéoSciences Réunion, prélève des échantillons d’eau. « Ça fait plus de dix ans qu’on vient prélever ici une fois par mois » confie-t-il en rangeant soigneusement ses flacons. « On étudie l’origine des eaux, leur cycle de renouvellement. »

Sur la plateforme, une station sismique capte le moindre signal généré par les galets charriés lors des crues cycloniques.

« Tous ces cailloux qui dévalent pendant un cyclone, ça génère des vibrations » explique Éric. « Notre station les enregistre et transmet les données jusqu’à l’observatoire volcanologique. »

Le défi, c’est la transmission. La 4G capricieuse de la zone complique les choses. D’où l’idée d’installer une fibre optique directement dans la galerie, un projet mené conjointement avec Axians et la Saphir. « On pourra enfin avoir un accès en temps réel et un débit correct » se réjouit-il.

L’équipe prévoit même d’aller plus loin : installer une caméra équipée d’intelligence artificielle pour mesurer le débit de la rivière à partir d’images. Une technologie de pointe baptisée PIV (Pixel Image Velocity) qui servira à la fois la recherche, la protection civile et la surveillance des ouvrages d’art.

Contribuer au développement du Nord et de l’Est de La Réunion

Au-delà de la prouesse technique, ce projet répond à un besoin vital. Entre Saint-Denis et Saint-Benoît, l’eau est une ressource précieuse, surtout dans un contexte de changement climatique.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 3 000 hectares de surface agricole à irriguer, soit 200 nouvelles exploitations alimentées et 17 millions de mètres cubes d’eau par an. Pour l’eau potable, ce sont 137 000 habitants qui bénéficieront d’un appoint de 9 millions de mètres cubes annuels. Sans oublier l’industrie, avec ses 4 millions de mètres cubes de besoins.

Une fois les différentes réunions techniques sur place terminées, l’équipe reprend le chemin du retour, la satisfaction du travail accompli pour concrétiser cette phase d’avant-projet. Dans quelques années, lorsque l’eau coulera dans cette future galerie Nord, peu de gens imagineront le travail titanesque qui aura été nécessaire. Mais pour ceux qui étaient là ce jour-là, dans les entrailles de la montagne réunionnaise, chaque effort prend tout son sens.

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